ACTA UNIVERSITATIS LODZIENSIS
Folia Litteraria Romanica 20(1) 2025

DOI: https://doi.org/10.18778/1505-9065.20.1.08

Les phrasèmes collocationnels Adj comme SN comme moyens de déprécier quelqu’un

Małgorzata Izert*

logo ORCID https://orcid.org/0000-0002-0212-3966
Université de Varsovie
m.izert@uw.edu.pl

RÉSUMÉ

Dans le cadre de cette étude, nous proposons une recherche sur corpus visant à mettre en évidence la valorisation axiologique et le fonctionnement de certains phrasèmes collocationnels réalisant le moule syntaxique Adj comme SN. Ils paraissent particulièrement propices à exprimer, outre l’intensité de la propriété, une évaluation négative de l’allure ou du comportement de la personne dont parle le locuteur (cf. maigre comme un clou, laid comme un pou, con comme la lune, avare comme un Écossais, etc.). Aussi bien le (re)emploi des phrasèmes canoniques que l’emploi de phrasèmes créatifs avec des parangons standard modifiés (cf. maquillé comme une Rolls Royce volée) ou entièrement inventifs (cf. maigre comme un rouleau de papier cadeaux) sont le résultat d’un acte volontaire de l’énonciateur qui cherche à révéler ses jugements peu favorables sur autrui. Ces jugements appartiennent aux domaines : esthétique, psychologique, intellectuel, éthique ou économique.

MOTS-CLÉS – Comparaison, dépréciation, innovation, intensité, parangon, phrasème collocationnel

Collocational Phrasemes Adj comme SN as Ways to Demean Someone

SUMMARY

In this study, we propose a corpus-based research aimed at highlighting the axiological valorisation and the functioning of certain collocational phrasemes that follow the syntactic scheme “Adj as NP”. These appear particularly conducive to expressing, in addition to the intensity of the property, a negative evaluation of the appearance or behaviour of the person that the speaker is talking about (cf. maigre comme un clou, laid comme un crapaud, con comme la lune, avare comme un Écossais, etc.). Both the (re)use of canonical phrasemes and the use of creative phrasemes with modified standard paragons (cf. maquillé comme une Rolls Royce volée) or with entirely inventive paragons (cf. maigre comme un rouleau de papier cadeaux) result from a deliberate act by the speaker, who intends to reveal unfavourable judgments about others. These judgments fall within the domains of aesthetics, psychology, intellect, ethics, or economics.

KEYWORDS – Comparison, collocational phraseme, depreciation, innovation, intensity, paragon

Introduction

Les phrasèmes du type Adj comme SN à valeur intensive et dépréciative appartiennent, bel et bien, à la phraséologie que S. Chantreau et A. Rey définissent comme « système de particularités expressives liées aux conditions sociales dans lesquelles la langue est actualisée » (Chantreau et Rey 1989 : préface p. IX). Ces « particularités expressives » sont, plus précisément, des séquences lexicales préconstruites dont l’utilisateur se sert fréquemment dans des situations stéréotypées de la vie quotidienne. Elles constituent, parmi l’ensemble des unités polylexicales, un stockage si considérable qu’il est tout à fait possible, en n’utilisant que ce type d’associations de lexèmes, de faire une description complète non favorable d’une personne que nous n’apprécions pas. À titre d’exemple[1] :

Marie était laide comme un crapaud. Son visage était jaune comme de la cire et ridé comme une pomme qui aurait passé l’hiver sur son arbre. Elle avait les oreilles comme un chou-fleur à la sortie de la mêlée et, au milieu de la figure, le nez gros comme une aubergine. Ses cheveux étaient mous comme des épines.
En plus, elle était sèche comme un manche à balai, avec les jambes comme des échalas et la poitrine plate comme une planche à pain.
Sa physionomie, peu agréable, s’ajustait parfaitement avec son caractère : elle était aimable comme un chardon, emmerdante comme un boisseau de puces, méchante comme une teigne et franche comme une planche pourrie.

1. Objectif et objet de la présente étude, corpus de recherche

Dans le cadre de cette étude, nous proposons une recherche sur corpus visant à mettre en exergue le fonctionnement desdits phrasèmes collocationnels[2], leur classification, d’après des critères sémantiques et pragmatiques, ainsi que leur valorisation axiologique.

Parmi les 170 phrasèmes sélectionnés pour l’analyse[3], 135 phrasèmes exigent comme sujet un nom ayant le trait sémantique [+humain]. Ils servent à exprimer, dans tout contexte d’emploi, outre l’intensité de la propriété, une évaluation négative portant sur l’allure, le comportement, le caractère, les capacités physiques et intellectuelles d’une personne. En tant qu’énoncés reproduits ou produits dans une situation de communication particulière, ces phrasèmes peuvent constituer une réaction affective et correspondre à des commentaires du locuteur au sujet de quelqu’un qu’il voit (ou il a vu) ou qu’il connaît. Parfois, le locuteur peut chercher à faire partager son opinion, peu favorable, avec son interlocuteur.

S’il s’agit des sources d’investigation, nous avons fondé notre corpus sur les grands dictionnaires généraux de langue (Grand Trésor de la Langue Française informatisé (TLFi), Grand Robert de la langue française (GRLF), Dictionnaire de Français Larousse (LR) en ligne) et sur certains dictionnaires des expressions et ceux de langue familière (entre autres, Dictionnaire des expressions et locutions, Dictionnaire du français branché, Les expressions françaises décortiquées, Expressions françaises), et pour le corpus d’analyse des emplois actuels de phrasèmes collocationnels qui font l’objet de notre étude, ainsi que des modifications de ces phrasèmes, le corpus frTenTen23[4] accessible sur la plateforme Sketch Engine.

2. Précisions terminologiques

Dans un premier temps, nous précisons ce que recouvre la notion de phrasème collocationnel. Nous indiquons ensuite les principales caractéristiques de la comparaison à valeur intensive.

2.1. Le phrasème collocationnel

En reformulant la définition de collocation[5] telle que donnée par I. Mel’čuk (2013), nous proposons le terme de phrasème collocationnel que nous définissons comme une cooccurrence lexicale privilégiée de deux composantes (collocatif et base) qui entretiennent une relation syntaxique. Le statut des deux composantes combinées n’est pas égal. Le collocatif sélectionné par la base dépend de celle-ci de façon irrégulière et/ou contrainte ; il exprime un sens particulier, bien précis. La cooccurrence est donc restreinte.

Par exemple, dans chauve comme une boule de billard, comme une boule de billard est un collocatif sélectionné en fonction du sens à exprimer (= l’intensité) auprès de la base de collocation – l’adjectif chauve qui, à son tour, est choisi par le locuteur librement pour son sens et sa valeur habituels.

2.2. La comparaison

Du point de vue syntaxique, les phrasèmes de notre corpus sont des comparaisons typiques obéissant à un moule aisément reconnaissable : le comparé (1), l’attribut dominant, c’est-à-dire la propriété qui permet de mettre en rapport le comparé et le comparant (3), le comparant (de différente nature) (2) et, placé entre ces deux termes, l’outil de comparaison comme (4) : SN (1) (est) Adj (3) comme (4) SN (2).

2.2.1. Comparatif d’égalité par identité vs comparatif d’égalité par similitude

Pourtant, on ressent bien la différence entre

Marie (1) est laide (3) comme (4) sa mère (2).

et

Marie (1) est laide (3) comme (4) un pou (2).

Dans ces deux phrases, comme SN exprime deux rapports sémantiques différents, soit l’égalité par identité soit l’égalité par similitude.

Le comparatif d’égalité par identité met en relation des propriétés quantitativement comparables, il indique que la laideur de Marie est au même degré que la laideur de sa mère.

Le comparatif d’égalité par similitude met en relief la propriété attribuée au comparé en faisant appel à la représentation d’un être ou d’un objet (parangon) qui est considéré comme l’être ou l’objet possédant cette propriété à un degré supérieur. Les propriétés ne sont pas quantitativement comparables. Il n’y a pas de véritable comparaison entre deux entités possédant la même propriété à un degré identique, mais « une prédication à valeur intensive à propos du sujet » (Fuchs, 2014 : 80).

2.2.2. Comme SN – intensifieurs purs de dépendance

Tous les comme SN des phrasèmes collocationnels que nous avons sélectionnés pour la présente étude ne fonctionnent que comme des intensifieurs purs de dépendance. Par exemple, comme un pou subit une réduction de sens et prend une simple valeur d’intensité, c’est-à-dire le sème [Intens] devient dominant primaire, les sèmes notionnels sont secondaires ou même nuls : Adj comme un pou = Intens(Adj).

3. L’analyse des phrasèmes collocationnels Adj comme SN

3.1. Comme SN – parangon intensifiant standard (lexicalisé et motivé) vs parangon modifié ou inventif (spontané et de circonstance)

La plupart des comme SN de nos phrasèmes collocationnels sont lexicalisés et sémantiquement motivés. La motivation paraît fondamentale pour le décodage de leur signification – ils servent à intensifier la propriété dénotée par l’adjectif. Et ces phrasèmes sont motivés :

Comme la plupart des collocations, les phrasèmes collocationnels de notre corpus sont plus ou moins transparents en réception, c’est-à-dire qu’ils ne présentent pas de difficulté d’interprétation, même pour un locuteur non natif. D’autre part, ils sont imprédictibles car il n’est pas possible de les produire sans les avoir mémorisés auparavant.

À côté des phrasèmes dits canoniques (standard) qui parsèment différents types de discours apparaissent des phrasèmes modifiés[6] ou inventifs non lexicalisés – les résultats de la créativité langagière spontanée ou de circonstance, mais toujours consciente et volontaire, des locuteurs qui jouent avec la langue française. À tire d’exemples, par antiphrase gai comme une porte de prison et gai comme un patient à qui on viendrait d’annoncer qu’il lui reste une semaine à vivre[7] avec un comparant inventif sans rapport sémantique avec le comparant lexicalisé mais tout à fait motivé, ou têtu comme une bourrique et têtu comme une bourrique pyrénéenne à l’heure de la sieste avec une expansion lexicale du comparant standard, ce qui provoque la surintensité de la propriété[8].

3.2. L’affectivité inscrite dans Adj comme SN à valeur intensive et une valorisation péjorative

Bien qu’à l’écrit l’affectivité ne soit souvent exprimée par aucun indice formel et « ne [soit] pas inférée à partir du sens des mots » (Legallois et François, 2011 : 14), elle constitue un élément important de chaque phrasème collocationnel de notre corpus. Nous partageons l’opinion de Ch. Bally, précurseur de la syntaxe affective (expressive), selon laquelle « en matière d’intensité (...), on ne trouve pas de limite tranchée entre l’aspect intellectuel et l’aspect affectif. Il est souvent difficile de faire le départ entre ce qui revient à la perception et ce qui appartient au sentiment » (Bally, 1909 : I, 172).

Si le locuteur se sert de ce type de phrasèmes, c’est parce que la propriété qu’il perçoit est si exceptionnelle par rapport à une norme socialement admise, mais aussi par rapport à sa norme personnelle que le locuteur ému, frappé, étonné, etc. par ce fait, ne veut pas l’exprimer par un simple ‘très + Adj’.

À la nuance intensive et affective s’ajoute encore un jugement subjectif de dépréciation porté par le locuteur. Il peut être exprimé ou non sur le ton de la plaisanterie.

La valorisation axiologique péjorative des phrasèmes Adj comme SN peut résulter :

ou par antiphrase expert comme mon cul, aimable comme un chardon, discret comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, gai comme un enterrement, franc comme un âne qui recule, etc.

3.3. Les micro-domaines de jugement

Un premier examen des adjectifs (bases) formant des phrasèmes collocationnels qui font l’objet de la présente étude permet de dégager quelques micro-domaines de leur emploi :

3.3.1. Domaine du jugement esthétique

Le domaine le plus représenté est celui du jugement esthétique. Il concerne la dépréciation de l’allure d’une personne. Au moins la moitié des phrasèmes y appartiennent. Nous ne donnons que quelques exemples, aussi bien des phrasèmes avec un parangon canonique que ceux avec un parangon standard modifié ou inventif :

Nhum chauve comme une bille, comme une boule de billard/de bowling, comme un genou,
comme un œuf
(parangons canoniques) vs
comme un genou de bébé (parangon canonique avec expansion) ;
Nhum gros comme une baleine, comme une barrique, comme un éléphant, comme une vache
(parangons standard) vs
comme une vache qui va faire un veau (parangon lexicalisé avec expansion) ;
Nhum maigre comme une arête de poisson, comme un hareng-saur, comme le carême, comme carême-prenant, comme un clou, comme un cent de clous, comme un chat de gouttière, comme un coucou, comme un coup de trique, comme un fil, comme un haricot vert, comme un insecte, comme un squelette (parangons standard) vs
comme un rouleau de papier cadeaux (parangon inventif) ;
Nhum (Une femme[11]) plate comme une galette, comme une limande, comme une planche (parangons canoniques), une planche à pain, une planche à repasser (comparants en cours de lexicalisation) vs
comme une planche à surf, comme une planche de plywood (parangons non lexicalisés : des hyponymes du comparant standard une planche) ;
Nhum (Une femme) ridée / ratatinée comme une vieille pomme, comme une vieille pomme reinette (parangons lexicalisés) vs
comme une pomme reinette abandonnée sur l’arbre, comme une pomme qui aurait passé l’hiver sur son arbre ; comme une pomme qui manque de soleil ; comme une pomme qui va pourrir ; comme une pomme qui sort du four ; comme une pomme qui a vieilli sur la paille ; comme une pomme qui a passé la saison (parangons lexicalisés avec expansion) vs
comme un vieux cuir, comme une croûte de vieux camembert, comme le ventre d’une vieille femme, comme le cul d’une vieille, comme une feuille morte, comme une feuille sèche (parangons inventifs non lexicalisés) ;
Nhum (Une femme) maquillée comme une voiture volée / un camion volé (parangons standard) vs
comme une Rolls Royce volée (parangon inventif – hyponyme de voiture) ou comme une poupée de cire (parangon inventif sans rapport sémantique avec le parangon standard).

Et encore quelques autres phrasèmes à valeur dépréciative qui appartiennent au domaine du jugement esthétique et qui concernent, outre la physionomie, la propreté de quelqu’un et sa façon de s’habiller :

laid comme un crapaud, le péché, les sept péchés capitaux, un péché mortel, un pou, un pichou, un rat, un singe ;
gras comme un chanoine, un moine, un cochon, une loche, un porc ;
sec comme un cotret, un coup de trique, un échalas, un hareng, un insecte, un manche à balai, un rebec ;
raide comme du bois, un échalas, un mannequin, un pieu, un piquet, une statue ;
pâle comme de la cire, un linge, un mort, la mort ;
noir comme du charbon, du cirage, un ramoneur[12] ;
sale comme un cochon, un porc, un peigne, un pou, une huppe ;
crotté comme un barbet/un caniche ;
fagoté comme un sac, un sac à patates ;
ficelé comme un saucisson vs comme un rôti.

3.3.2. Domaine du jugement psychologique et domaine du jugement intellectuel

Les propriétés dénotées par les adjectifs qui appartiennent au premier de ces deux domaines se rapportent au caractère humain, à sa vie affective, tant intérieure qu’extérieure, c’est-à-dire aux sentiments et émotions de l’homme, à son comportement verbal ou non verbal qui sont socialement considérés comme négatifs :

Nhum têtu comme un âne / un baudet / une bourrique / une mule / un mulet (parangons standard) vs
comme une bourrique pyrénéenne à l’heure de la sieste, comme un âne qui refuse de traverser un pont, comme un mulet qui ne veut pas avancer (parangons standard avec expansion) ;
Nhum gai comme une porte de prison, comme un enterrement (parangons standard par antiphrase) vs
comme un patient à qui on viendrait d’annoncer qu’il lui reste une semaine à vire (parangon inventif par antiphrase) ;
Nhum vexé comme un pou (parangon canonique) vs
comme un pou qui a retrouvé ses camarades sur le grand canapé rose (parangon canonique avec expansion).

Et encore une bonne trentaine de phrasèmes comme :

par antiphrase : aimable comme un bouledogue, un chardon, un cent de clous (vx), une porte de prison ;
mauvais comme la gale, la peste, une teigne ;
grossier comme du pain d’ogre ;
dur (= désagréable par son caractère, sévère et sans indulgence) comme l’acier, un caillou, une pierre, un roc ;
froid (= insensible) comme l’acier, de la glace, du marbre, un poisson, une tombe ;
fermé comme une huître ;
peureux comme un lièvre, comme un enfant ;
emmerdant comme un boisseau de puces ;
méchant comme un âne rouge, la gale, la peste, un rat, une teigne ;
malheureux comme les pierres ;
triste comme un bonnet de nuit, un lendemain de fête, la mort, la pluie, une porte de prison, une tombe ;
bavard comme une concierge, une pie, une pipelette ;
muet comme une carpe.

Le domaine du jugement intellectuel est représenté par trois adjectifs, plus ou moins équivalents mais de registres différents : bête, sot, con, et un adjectif par antiphrase – expert marquant le manque d’intelligence. La bêtise humaine paraît d’ailleurs « plus fascinante que l’intelligence, l’intelligence a des limites, la bêtise n’en a pas » (Claude Chabrol), d’où tout un éventail d’expressions de différents moules syntaxiques pour en parler (par ex. avoir le QI d’une huître, bête à manger du foin, bercé un peu trop près du mur, une tête de linotte, etc.).

Les listes des phrasèmes collocationnels bête / sot / con comme SN sont assez longues parce que les entités qui peuvent servir comme de bons représentants de cette qualité humaine à un degré très élevé sont aussi nombreuses :

Nhum bête comme un âne, un chou, une cruche, une oie, un panier percée, une/ma pantoufle, ses pieds ou
Nhum con comme un balai (sans manche), comme une bite, comme la lune, comme un manche (de balai), comme une valise (sans poignée) ou
Nhum sot comme un panier percé ou
Nhum expert comme mon cul, mes fesses (version plus polie : comme moi, comme moi et toi).

3.3.3. Domaine du jugement éthique (moral)

À ce domaine appartiennent les phrasèmes qui se rapportent à un comportement humain jugé comme étranger ou contraire aux principes et règles de conduites permises et défendues dans une société donnée, bref à un comportement contraire aux bonnes mœurs.

Ainsi que les expressions servant à juger les capacités intellectuelles de l’homme, les expressions permettant d’évaluer l’état d’intoxication alcoolique (ou tout bonnement d’ivresse) et de porter un jugement négatif sur cet état sont particulièrement abondantes[13]. Nous ne nous intéressons qu’aux phrasèmes de moule syntaxique Adj comme SN :

Nhum beurré comme un petit beurre, un petit Lu (parangons standard) vs
comme une biscotte
, une tartine, un plat de moule au gratin (parangons inventifs) ;
Nhum bourré comme une andouillette, un cochon, un coing, un saucisson, une vache (parangons standard) vs
comme une cantine
, un pétard (parangons inventifs) ;
Nhum plein comme une andouillette, une barrique, un boudin, une huître, un œuf, une outre, un sac, une vache ;
Nhum rond comme une andouillette, une balle, une barrique, une bille, un boudin, une bûche, un disque, un œuf, une pelle, une queue de pelle, une soucoupe ;
Nhum saoul/soûl comme un âne, une bourrique / la bourrique à Robespierre (parangons standard avec expansion), un cochon, une grive, un Polonais, une vache ;
Nhum déchiré comme un cow-boy / comme un drapeau, défoncé comme un terrain de manœuvre (phrasèmes inventifs), etc.

Et enfin, une dizaine de phrasèmes se rapportant aux propriétés négatives telles que fausseté ou traîtrise, insincérité ou mensonge, infidélité ou inconstance, escroquerie ou pillage :

faux ou traître comme Judas ;
franc comme un âne qui recule, un maquereau, une planche pourrie ;
menteur comme un arracheur de dents (parangon canonique, un peu vieilli) vs
comme une affiche, comme un manuel pour apprendre à voler, comme pétroliers et ministre réunis (parangons inventifs) ;
volage comme un papillon ;
voleur comme une pie (parangon canonique) vs comme les ministres (parangon inventif).

3.3.4. Domaine du jugement économique

Les phrasèmes faisant partie de ce domaine visent aussi bien les conditions financières d’une personne, misérables ou trop bonnes donc évaluées négativement, que son comportement concernant ses richesses dont il ne veut pas en faire usage :

Nhum rincé comme un verre à bière ;
Nhum fauché comme les blés ;
Nhum gueux comme un rat (d’église), comme un peintre ;
Nhum pauvre comme Job ;
Nhum riche comme Crésus, comme un nabab, comme Rothschild, (parangons canoniques) vs comme un Bongo[14], comme un Lannister[15] (parangons inventifs) ;
Nhum avare comme un Écossais, comme Harpagon (comme un petit banc).

En guise de conclusion

À l’issue de cette brève étude[16], nous pouvons observer que :


Autorzy

* Małgorzata Izert, professeure de l’Université de Varsovie (HDR en linguistique 2015), spécialiste de sémantique et de lexicologie. Ses travaux de recherche portent sur le lexique et les phénomènes phraséologiques, en particulier ceux concernant la quantification et l’intensification, et les analyses linguistiques sur corpus.


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Notes

  1. 1 Texte inventé par l’auteure de cet article.
  2. 2 Ils sont souvent de registre familier.
  3. 3 Bien que certains phrasèmes sélectionnés pour cette étude soient anciens, ils sont toujours employés en français contemporain (au XXe et au XXIe).
  4. 4 Le corpus annoté dont la source est le Web francophone, comptant presque 24 billions de mots, couvrant une grande variété de sources ainsi que de genres textuels. Ce corpus est accessible sur la plateforme Sketch Engine qui offre un large éventail d’outils facilitant la recherche linguistique.
  5. 5 Nous adoptons la conception « restreinte » de la collocation qui est comprise comme une association lexicale privilégiée entre deux éléments capables de former un syntagme. Mel’čuk (2013) l’appelle « phrasème lexical compositionnel semi-contraint ».
  6. 6 Ils appartiennent aux innovations phraséologiques que nous comprenons comme des écarts par rapport à la norme phraséologique, c’est-à-dire par rapport à des unités phraséologiques typiques, stables (standard), couramment utilisées. Chaque innovation doit être une opération consciente et intentionnelle du locuteur. Si elle ne l’est pas, elle n’est qu’une erreur. Pour en savoir plus sur les types de modifications des phraséologismes voir, entre autres, Krzyżanowska (2019).
  7. 7 L’exemple provient de Romero (2015).
  8. 8 L’innovation par l’ajout d’élément peut provoquer différents types de modification sémantique, entre autres la surintensité de la propriété (voir Izert et Pilecka, 2021).
  9. 9 En parlant d’une femme trop maquillée par comparaison à la voiture repeinte par les voleurs de voiture pour que la police ne puisse pas les pister ni attraper facilement.
  10. 10 À comparer avec muet comme une tombe / les pierres = parangons stéréotypés du silence « positif » – d’une discrétion absolue.
  11. 11 Plus rarement appliqué à Nsujet un homme.
  12. 12 Couleur de teint occasionnelle provoquée par la saleté, par ex. avoir une figure, des mains sale(s) comme un ramoneur.
  13. 13 Voir l’article de presse « Réveillon avec tonton : 50 façons de dire qu’on est saoul ».
  14. 14 Riche comme un Bongo (nom de la famille gabonaise qui a un patrimoine faramineux caché en France), phrasème inventif provenant de la chanson du rappeur français Lamar Le Duc.
  15. 15 La carte chance du jeu Game of Thrones.
  16. 16 Cette étude est une continuation de notre recherche d’il y a 20 ans, enrichie d’analyses complémentaires qui n’ont pas été effectuées auparavant (Izert, 2002), à savoir concernant l’emploi de Adj comme SN pour dire du mal de quelqu’un et en même temps porter un jugement négatif sur la personne dont on parle.